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Bonjour Georges,
Que penses-tu de la pollution qui ne cesse
d'augmenter sur notre petite planète? Cela devient terrifiant, ne
crois-tu pas? Comment motiver les terriens à limiter la pollution et à
protéger ainsi leur survie?
Merci!
Bonjour Jean-Marc,
Je crois comprendre qu'à cette époque où
vous vous trouvez, les problèmes de pollution, loin d'avoir été
corrigés, sont au contraire devenus plus criants. Cela tient peut-être
en partie au fait qu'à mon époque à moi, bien que la menace soit déjà
flagrante, que divers signes de dégradation soient évidents, les
dénonciateurs sont généralement qualifiés d'alarmistes, considérés
comme réfractaires au progrès, bref des réactionnaires. Pire, s'ils
pointent du doigt, comme cause première du problème, la course au
profit et ses deux mamelles, la surconsommation et le mépris de la
rigueur, alors là ils sont carrément taxés d'obscurantisme simpliste.
Ce qui me gêne un peu pour reprendre la même argumentation, moi qui ne
suis qu'un simple faiseur de chansonnettes.
Alors c'est par
voies détournées, comme souvent, que j'ai un peu apporté mon eau au
moulin. De l'ensemble de mes écrits, on peut retenir que j'ai tenté de
suggérer que le bonheur, l'intérêt et la qualité de la vie, ne tiennent
pas aux biens matériels, à la panoplie des gadgets de la société de
consommation, ni même aux loisirs onéreux, voyages exotiques ou autres.
J'ai plutôt suggéré que la richesse du quotidien tient principalement
et simplement dans l'intérêt porté aux autres, dans les échanges
humains, dans l'amitié, dans l'amour. Ce dont malheureusement risquent
de nous détourner les ambitions matérialistes.
J'ai glorifié la
vie simple, les gens modestes, sereins. J'ai chanté le petit joueur de
flûteau, la chasse aux papillons, les funérailles d'antan, la noce en
char à boeufs et tant d'autres retours aux valeurs fondamentales, à des
bonheurs élémentaires. Dans Le progrès, j'ai voulu dénoncer
cette évolution illusoire, pas toujours heureuse, au risque d'être
traité de passéiste. Ce qui d'ailleurs n'a pas manqué.
Monsieur
Dumontais m'a expliqué que certains de mes partisans, qui souvent en
rajoutent un peu, ont voulu faire de moi un précurseur du retour à la
nature, un «vert» avant l'heure, pour avoir chanté «Auprès de mon
arbre».
Des solutions? Comme dans bien de dossier, je ne suis
nullement en possession de réponses. Si je connaissais les solutions,
je ne ferais plus de chansons, mais peut-être bien que je me lancerais
en politique. Alors je me contente de dénoncer modestement, de laisser
entrevoir des possibilités...
Sans armoiries, sans parchemin,
Brassens. |